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Amérique Centrale

Un, deux, trois… Papa passe le Canal !

Deux heures de bus pour rejoindre Colon et nous retrouvons Simon sur Nandi, un plan Joubert de 10m en aluminium, qui change aujourd’hui d’océan. Le pilote panaméen nous rejoint sous l’œil impassible mais vigilant des crocodiles et des pélicans. Une, deux, trois écluses. Nous prenons de l’altitude, c’est rare en voilier. Les portes de l’Atlantique se referment et, à la nuit tombée, nous attrapons une bouée sur le lac Gatùn pour y passer la soirée. Au lever du jour, nous embarquons Carlos notre pilote pour la traversée de l’isthme américain jusqu’aux portes du Pacifique. Quatre, cinq, six v’là le Pacific. Quand s’ouvre la dernière porte de l’écluse de Miraflores l’immensité et la liberté d’un espace vierge nous accueillent. Nous laissons Simon et Nandi à leur nouvel océan et nous en retournons en bus sur la côte Caraïbes. Ca, c'est fait !

De San Blas a Portobello.

La côte est belle, la forêt luxuriante, la faune omniprésente est magnifique. Nous croisons quelques espèces pour la première fois : des paresseux, des perruches splendides, des ibis roses, des crocodiles et des requins en liberté... Nous découvrons aussi qu'ici le Patrimoine Mondial classé par l'UNESCO prend l'eau. Il faut dire qu'au Panama la grosse affaire du moment c'est l'élargissement du Canal. Alors le premier poste d'embarquement (PortoBello) des richesses pillées plus au Sud à l'époque de l'Empire Espagnol des Amériques, pourra bien attendre. C'est pas sûr du tout en fait, qu'il puisse attendre, vu l'humidité et son état déjà très avancé de délabrement ! Côté population, nous sommes de retour aux Caraïbes. Les gens sont noirs pour la plupart, l'habitat est majoritairement constitué de maisons délabrées en béton armé auquel il manque un étage, en attente de finition depuis des années. Les villages ressemblent à de gros hérissons de métal. Nous avions envisager de louer un véhicule, mais nous résignons à rayonner depuis Portobello. Rien que les formalités vont nous prendre du temps et une fois fait trois courses, il sera déjà temps de rejoindre les San Blas et les grand-parents pour Noël. Alors tant pis, nous ne visiterons pas le Panama, du moins pas cette fois.

Trois jours bien trop courts.

Les bretons nous ont amené du soleil, du vin rouge, du fromage et de l'andouille, des crêpes et de la confiture de mûres pour accompagner nos petits déjeuners. Ils nous ont aussi porté de Panama City, quelques fruits et légumes si difficiles à trouver ici. Sur l'île de Carti, nous sommes allés à la rencontre des Kunas. Nous avons assisté au congresso, discuté avec les Saylas, vu l'habitat, sa cuisine rudimentaire et sa chambre, surpeuplée de hamacs, envahie par les vagues. A Gunboat Cay, Lemon Cays, Dog Island, nous avons découvert des îlots pleins de charmes et des familles sympathiques vivant dans des conditions spartiates mais sous les cocotiers. Nous avons joué au volley avec les enfants, plongé avec les grands, visiter une épave, pêché du sarde queue jaune et du perroquet, mangé de la langouste, du poulpe et de l'excellent king crab... De retour à Carti, Keliane a soufflé ses deux bougies, largement aidée par ses frangins très attentifs à ses moindres désirs ou difficultés. Et puis les bretons sont partis vers le Costa Rica, pour 15 jours de balade, de visite et de randonnée. De notre côté, nous nous attardons quelques jours au mouillage de BBQ Island, le réputé mais désert "Swimming Pool Anchorage", tout un programme !

Kuna Yala, alias San Blas !

Vaste territoire bordé d'un archipel non moins étendu, le Kuna Yala est géré par les Kunas, seule ethnie d'Amérique Centrale à avoir conservé son autonomie, en marge du Panama. Les femmes choisissent toujours leur maris, les Saylas dirigent toujours le congrès journalier où les jeunes viennent toujours en canoë écouter la parole des anciens, les chants de la tradition orale et les nouvelles des autres îlots. Les familles remontent toujours le fleuve pour faire leur lessive à l'eau douce, près de la source, les noix de cocos sont plus que jamais protégées et les toucans royaux chantent encore de cime en cime. Le gouvernement installe des dispensaires, mais c'est toujours les molas(chemises), les bracelets, les nuchos(statues) et les anneaux nasaux qui protègent les Kunas... Quand cela ne va pas, le guérisseur pratiques des ablutions, boit de la potion magique jusqu'à en perdre la tête et chasse ainsi les mauvais esprits. Mais pour combien de temps encore ? Les jeunes générations, qui étudient désormais à Panama City, pourront-elles se satisfaire des conditions de confort spartiates des cases traditionnelles de leurs parents ? L'interdiction du mariage inter-ethnique va-t-elle résister aux sirènes de l'amour pluri-culturel et à celles, plus pragmatiques, des problèmes de consanguinité déjà bien présents ? La tradition sera-elle plus forte ici que le modernisme ? Déjà le cellulaire a envahi les pirogues, la télé fait son apparition chez les plus aisés et, sur les îles les moins traditionalistes, le wifi est disponible. Certaines plages ont un accès payant, le dollar a depuis longtemps remplacé le coco comme monnaie d'échange, d'autres plus sauvages sont jonchées de plastiques et d'autres détritus ! Les lanchas charrient leurs flots de touristes propulsées par de rutilants et puissants moteurs Yamaha. Les hélices et le plastique vont bientôt remplacer la pagaie et le canoë taillé par l'arrière grand père, à partir du tronc d'un arbre séculaire. Le site est paradisiaque, les 380 îlots proposent plages et cocotiers bordés d'eaux turquoises et chaudes. Les récifs regorgent de langoustes, de king-crabs et de beaux poissons que nous faisons cuire sur le feu avec d'autres équipages et des locaux, sur la plage. Les requins sont légions, mais vu que nous sommes dans l'archipel parfait, ils sont inoffensifs ! Nous avons la chance de nous arrêter pour quelques semaines dans le Kuna Yala, le pays des indiens Kuna.

Archipelagos del Rosario y del San Bernardo.

Depuis Carthagène, en Colombie, deux archipels agréementent la route vers les San Blas, au Panama. Et vu qu’on a du temps d’ici l’arrivée des grand-parents qui nous rejoindrons le 25 à Carti, on s’autorise de courtes escales. Sur l’île de Bajù, Encienago de Cholon, nous faisons une plage très agréable, car ombragée, en bordure de lagune, à peine dérangés par les locaux qui défrichent le fin cordon dunaire qui constitue l’unique protection à l’éco-système qui les fait vivre. Au Rosario, nous arrivons peut-être un peu tard. Les riches maisons qui encapsulent les îlots privés sont en ruines, l’aquarium à cheval sur la barrière de corail est en piteux état. Le charme a depuis longtemps déserté les lieux. Nous passons notre chemin après une nuit mouvementée, à la bouée dans une passe courante. Au San Bernardo en revanche, nous sommes accueillis par une jolie bonite puis longeons la magnifique côte sud de Tintipan. Nous prenons une bouée pour ne pas abimer le jardin de corail, plongeons et visitons. Les villageois se sont regroupés sur un îlot artificiel à l’écart de la grande île perçée de chenaux que nous nous faisons un plaisir de parcourir en annexe, mais qui draine surtout une quantitée folle de moustiques et donc de maladies. Comme sur un radeau, à 30 centimètres au dessus de l’eau, les habitants de l’Isolote vivent au rythme de la marée qui inonde régulièrement les étroites ruelles. A 800 sur un îlot minuscule, ils battent le record mondial de densité de population, semble-t-il. L’eau vient du continent, l’électricité est bruyament produite par un impressionant Kuniz, 5 heures par jour. Les poubelles sont retirées de loin en loin à grands frais, vers le continent. Et a midi au menu, c'est tortue ! Quelques familles se sont installées un peu en retrait, sur des bouts de barrière surélevés de quelques conches, dans de magnifiques demeurent à deux étages : une plateforme de vie ombragée en bas, en rez de lagon, surmontée d’un espace de couchage fermé et parfois vaste. Nous mouillons en bordure de la plage de Mucura pour nous y baigner et rencontrons le jeune Michaël, 2 ans, qui a une pêche d’enfer. Au petit matin, nous zigzaguons aux ordres de nos deux vigies de proues, pour nous extirper des patates de la barrière et faire route vers le pays des Kunas ; unique éthnie de la mer des Caraïbes à avoir réussi à préserver son identité et son indépendance, tout un programme !

Route Carthagène : jour 5, 160 Nautiques, 6.7 noeuds.

25 nœuds, ce n'est pas la vitesse du vent mais la différence entre les prévisions et la réalité! Aux 11 petits nœuds pluvieux prévus se sont substitués 35 nœuds, toujours pluvieux certes ! Foc à moitié enroulé, grand-voile réduite promptement dans une claque à 40, notre vitesse se stabilise au delà de 8 noeuds. Ça bouge un peu mais personne n'en souffre, alors on se dit que ce renforcement raccourci les distances. Toute la dernière nuit, Silvia va slalomer entre les grains et les éclairs, toute électronique coupée dans le noir complet au milieu des flashs éblouissants. À 8 ou 9 nœuds dans la nuit noire, nous filons vers Carthagene. Colombie, nous voici !

Route Carthagène : jour 4, 115 Nautiques, 4.8 noeuds.

Au lever du soleil un banc de dauphin vient nous montrer la voie, sauf que c'est tout droit ! Pas de Cayo, pas d'option météo, il nous reste tout juste 300 milles nautiques à parcourir au 120°. Le temps est au beau fixe, sous spi à 8 noeuds pendant quelques heures avant que le vent ne refuse et mollisse à nouveau. Nous voilà calés au près et ce, probablement jusqu'à notre arrivée, après demain. Encore deux nuits sans sommeil avant de toucher la côte colombienne.

Route Carthagène : jour 3, 140 Nautiques, 5.5 noeuds

Voilà une belle journée de navigation : il ne s'est absolument rien passé ! La mer est belle et le vent portant. Le ciel est dégagé à peine agrémenté de quelques nuages de beau temps. L'eau est limpide tantôt bleue, tantôt laiteuse suivant qu'il y a 10 ou 1000 mètres de fond. Du moins rien, si l'on omet les détails qui révèlent lors de ce genre de périple, la saveur et l'intensité des moments partagés : les étoiles et les astres d'abord, loin de toute perturbation humaine Orion, Jupiter et Saturne se révèlent; Kicco qui se lève pour râler après 2 jours allongé sur son canapé; Eliott qui planifie son anglais de façon à ce qu'il soit interrompu par une prise toute calculée, car nous savons désormais exactement quand nous allons pêcher; Kelianina qui accorde une sieste bien méritée à ses parents épuisés par les quarts répétés; une bonite qui s'adjoint in extremis à la dorade coryphene perturbatrice pour égayer le repas de riz aux poivrons; des moineaux qui viennent nous divertir à chaque passage de Cayo, et qui permettent de détecter la terre au delà de l'horizon ! Sans jamais refuser, le vent fini par caler et Zéphyr finalement cède sa place à Volvo, mais n'est-ce pas là la logique de notre époque ? D'autres ont depuis longtemps abandonné le vent et la pagaie, puis la vapeur, pour se consacrer au Diesel tout entier. Nos amis franco-américains propulsés au soleil sont, eux, restés bloqués dans le Rio Dulce. Même les plus irréductibles finiront par flancher !

Route Carthagène : jour 2, 156 Nautiques, 6.5 noeuds.

Nous doublons la pointe Nord-Est du Honduras. Un plateau de 150 milles nautiques et 20 mètres de fond avec quelqu'immenses cayos qui dépassent à peine de l'eau, de ci de là. Kicco rêve de faire une pose sur le Cayo Vivario, Eliott d'y mouiller ses palmes et son harpon car l'endroit est, paraît-il, truffé de langoustes et de crabes. Maman se verrait bien échanger deux kilos de crevettes contre un pavé de cet excellent pain qu'elle confectionne désormais chaque jour. L'immense plateau regorge de ces petites bêtes évidemment traquées par une horde de chalutiers. Mais il nous faut avancer, car nous n'aurons pas toujours le plaisir de naviguer travers au vent à 6 ou 7 nœuds. Et si nous trainons, nous risquons même de finir les 400 derniers milles au moteur, face aux vagues de 2,5 mètres et aux alizés de 25 nœuds, à 4 nœuds pendant 4 jours : l'horreur ! Pas d'arrêt donc, sur ces immenses Cayos poissonneux et désertiques ! Nous poursuivons notre route avec la pleine lune, un ciel étoilé et toujours 15 nœuds de travers. En fin de nuit nous doublons le dernier récif de cette pointe décidément gigantesque, abattons de 20 degrés, en route directe sur Cathagene. Magie des éléments, le vent refuse en même temps que nous abattons, nous permettant de conserver notre angle parfait de 120 degrés !

Route Carthagène : jour 1, 150 nautiques, 6 noeuds.

Dinghy passage parcouru et île-capitale Bonacca visitée, nous pouvons quitter Guanaja sans regrets et faire route sur Cartagena en Colombie. Nous partons pour 700 milles de mer, soit un peu plus de 6 jours à 5 nœuds de vitesse moyenne. Kicco appréhende la longueur, Eliott affute son stylo Bic et sort sont livret de prises sur lequel il n'a pas inscrit une seule ligne depuis notre retour à l'eau salée, à tel point que ça le fait flipper : ne serait-ce pas le câble ou le moulinet qui pose problème ? Keliane est loin d'imaginer que sa maison va bouger pendant près d'une semaine, mais en fait, elle s'en moque. Dès la côte dégagée, nous trouvons le vent annoncé, ni plus, ni moins que 15 nœuds de secteur ouest qui nous permettent de nous déhaler à plus de 6 milles par heure. Pendant que le bateau dévale la houle, les révisions d'anglais vont bon train, malgré les grains parfois pluvieux et toujours ventés qui perturbent l'apprentissage, quand ce n'est pas une coryphene de quelques kilos qui décide de sauter dans notre frigo. À la tombée de la nuit nous avons bien avancé et le vent ne faiblit pas bien au contraire, nous approchons la pointe du Nord-Est du Honduras et subissons déjà l'effet du relief avec des pointes à 25 nœuds et une vitesse propre qui grimpe parfois à 14 ! À ce rythme, le Temps pour Atteindre l'Arrivée se réduit à 3 jours, mais ne rêvons pas, la route est encore longue et la météo variable. Dans la nuit, quelques beaux arc-en-ciels lunaires accompagnent Orion et la Grande Ourse pour égayer la veille avant que la lune ne disparaisse, toute d'orange vêtue, chassée par le soleil qui ne tardera pas désormais.